Au début du mois d'août 2004, je me suis rendu à Belek, à environ 35 kilomètres à l'est d'Antalya. Malgré la chaleur
régnante (il faisait 35° en moyenne), j'ai pu observer quelques animaux intéressants. L'incontournable
Bufo viridis que j'ai pu trouver en quantité, une cinquantaine d'individus dans l'hôtel, la plupart se réfugiant sous les bouches d'arrosage automatique des pelouses;
rien par contre en pleine nature, le temps était beaucoup trop sec. La tortue terrestre,
Testudo terrestris ibera, montrait de temps à autre le bout de son museau. Les jeunes agames stellions
ou hardouns, Laudakia (= agama) stellio commençaient à éclore en masse, de préférence près des terrains de tennis! Plus insolites furent les rencontres de la Saga rodiensis (Orthoptère carnivore et parthénogénétique) et du Potamon fluviatile, crabe d'eau douce assez courant.
Vous pouvez retrouver ces animaux sur la faune d'Antalya.
L'évènement le plus fantastique de ma vie d'herpétologue naturaliste qu'il m'ait été donné d'observer est l'accouplement du caméléon commun: au détour d'un chemin de terre menant
au barrage d'Oymapinar, à 20 kilomètres au nord du village de Manavgat, au volant de la voiture de location, j'eus la surprise de voir, ce que je prenais pour des feuilles poussées par quelque brise, un mâle de caméléon commun poursuivant sa femelle
dans un but évident! Cet rencontre est exceptionnelle, du fait de la rareté de ce reptile et de la difficulté de pouvoir l'observer vu sa discrétion et ses facultés d'homochromie.
nom scientifique: Chamaeleo chamaeleon.
nom courant: caméléon commun, caméléon d'Europe, caméléon de méditerranée.
répartition géographique: sud de la Grèce (îles de la mer Égée, Crète, Samos, Chios) Péloponnèse (population de Chamaeleo africanus), Malte, sud de la Sicile (introduit?), sud de l'Espagne et du Portugal
(introduit),
sud de la Turquie, Chypre, régions côtières du Maroc, de l'Algérie, de la Tunisie,
de la Libye et de l'Égypte, Sinaï, Israël, Jordanie, Syrie, sud ouest de l'Arabie Saoudite,
Yémen, Liban, Irak, Iran, sud ouest du Sahara, Pakistan, sud de l'Inde et Sri
Lanka. Il est présent dans les îles Canaries, mais il s'agit de sujets
échappés de captivité.
sous-espèces: Chamaeleo chamaeleon orientalis, Chamaeleo chamaeleon recticrista, Chamaeleo chamaeleon musae. Chamaeleo chamaeleon arabicus et zeylanicus ont été classés au niveau d'espèce.
mœurs: Diurne, arboricole, ne descend que rarement à terre. Comme les autres membres de la famille, le caméléon vit en solitaire et se montre très territorial
sauf au moment de la reproduction. Les mâles entre eux ne se supportent pas et les affrontements peuvent être assez violents sans toutefois aller jusqu'à la mort; mais, dans certains cas, les blessures engendrées principalement
par morsure, peuvent tuer l'animal dominé par suite d'infection. Un caméléon ayant perdu une partie de sa queue meurt rapidement: elle lui sert de balancier et de "patte" supplémentaire pour ses acrobaties et déplacements
ou
pour se nourrir (il peut s'accrocher à une branche juste avec sa queue, se
laisser pendre et capturer sa proie si elle est juste un peu loin).
habitat: il fréquente les biotopes secs à végétation arbustive, et semble avoir une préférence pour les tamaris; tout arbuste ou buisson d'environ deux à trois mètres
de haut fera l'affaire.
En Espagne et au Portugal, il habite les régions côtières: en Andalousie
(Huelva, Sanlúcar de Barrameda, Cadiz), on peut l'observer dans les pins
maritimes, les eucalyptus, la végétation buissonnante recouvrant les dunes. En Afrique du nord, il se trouve dans les régions semi désertiques,
les prairies, les forêts d'eucalyptus et les oasis, souvent près des points
d'eau, malgré qu'il ne boive pas directement mais lèche les gouttes de rosée. Il
se rencontre jusqu'à une altitude de 800 mètres.
dimorphisme: le mâle est un peu plus vivement coloré que la femelle mais ce n'est pas un critère fiable. Il possède deux hémipénis qui font
que la base de sa queue est plus épaisse que chez la femelle. Il est plus grand (~35cm), plus mince et sa
crête crânienne est légèrement plus massive (cf. photos).
nourriture: principalement insectivore, le caméléon commun se nourrit de criquets, sauterelles, papillons, araignées, chenilles, coléoptères et ne rechignerait pas devant un de ses petits:
le cannibalisme est relativement fréquent chez les sauriens.
reproduction: le caméléon vit une existence solitaire toute l'année à l'exception de la période de reproduction qui
s'étend de la mi juillet à fin septembre. Le mâle recherche alors activement une femelle
et, lorsqu'il en trouve une, se précipite brutalement dessus, la saisi par les pattes et la queue, la maintient fermement et introduit alors un de ses hémipénis dans le cloaque de la femelle; l'accouplement peut durer une dizaine de minutes.
Après environ deux mois, la femelle descend à terre, creuse un trou d'environ
une fois et demi sa longueur à la base d'un arbuste dans un sol relativement meuble, y dépose de 10 à 40 oeufs mesurant 17/11mm, les recouvre et retourne dans son territoire arboricole.
La période d'incubation varie selon la température et l'humidité du sol, mais dure environ 200 à 290 jours, le développement embryonnaire cessant durant l'hiver. En mai, l'éclosion à lieu, étalée sur une à deux semaines et les jeunes mesurent
35 millimètres du museau au cloaque.
Il est noté qu'à une température constante de 28°, tous les individus sont des femelles; aux alentours de 26°, une majorité de mâles sera obtenue, entre 23° et 25°, le ratio mâles/femelles sera de 50/50.
D'après une équipe de chercheurs de la station biologique de Doñana (Andalousie), les années sèches sont préjudiciables aux caméléons: les femelles sont plus petites, creusent des terriers plus longs et le taux
de mortalité des oeufs est plus élevé. Cela provient certainement de la raréfaction des proies qui interfère sur le développement maternel
et embryonnaire. Les femelles sont également sujettes à des rétentions d'oeufs, ou meurent sitôt la ponte terminée. Celles qui auront survécu à celle-ci mourront plus certainement. A noter encore que le caméléon est sexuellement mature à l'âge de un an.
terrarium: je ne ferai pas de commentaires vu que cette espèce bénéficie d'une protection intégrale.
particularités: le caméléon est une star de l'homochromie, de la stratégie d'adaptation défensive: il sait se confondre avec son environnement et, lorsqu'il se sait observé, est capable de s'aplatir et de tourner autour de son support afin de se rendre le moins visible possible.
En savoir plus sur la page des caméléons concernant les changements de couleur. Lorsqu'il est saisi ou que ses défenses habituelles ne servent plus, il se gonfle, ouvre grand la gueule, souffle bruyamment mais ne
mordra que rarement; lorsqu'il le fait, il relâche de suite la pression de ses mâchoires ce qui fait
que les rares cas de morsures sont inoffensifs et quasiment indolores.
statut: le caméléon commun est une espèce strictement protégée.
causes de raréfaction: l'urbanisation, l'usage intensif d'insecticides, la destruction de son biotope (déforestation, feux de broussaille),
le commerce de reptiles et la terrariophilie (fréquemment vendu sur les marchés
d'Afrique du nord).