header img

accueil     batraciens     reptiles     pages du naturaliste     voyages     le forum     contact

Biologie de Nimbaphrynoides (Nectophrynoides) occidentalis,
rare cas de viviparité chez un crapaud (batracien anoure).


Article écrit par Jean-Jacques Peres.

gestation    parturition    ovaires et mécanismes hormonaux    rôle des hormones

Répartition géographique:
N. occidentalis habite la Guinée, en Afrique, sur un petit territoire limité au Mont Nimba, situé à l'intersection des frontières entre la Côte d’Ivoire, la Guinée et le Liberia; le Mont Nimba se dresse, abrupt, à 1 000 m au-dessus d’un glacis uni, presque plat. La topographie engendre une variété de conditions climatiques locales et de types de végétation, de la forêt humide à divers systèmes de savane et d’herbages d’altitude. Parmi les espèces remarquables, on trouve le crapaud vivipare Nectophrynoides occidentalis vivant dans les herbes de montagne entre 1 200 et 1 600 m. C’est le seul bufonidé (=crapaud) vivipare connu au monde; ce petit crapaud mesure environ 2 cm. Classé réserve naturelle intégrale en 1944, le mont Nimba est devenu en 1981 une réserve de biosphère pour l’UNESCO pour être finalement inscrit au Patrimoine mondial la même année.

Reproduction:
Par contact cloacal, le mâle transmet ses spermatozoïdes à la femelle, sans organe copulateur. Donne naissance à des petits, entre 2 et 16, tout formés, après une gestation d'environ 9 mois.

La période d'activité des Nectophrynoides occidentalis:
est limitée aux sept  mois que dure la saison des pluies, d'avril à octobre ; ils vivent alors  sous le couvert végétal formé de graminées, dans une atmosphère saturée d'humidité, à cause d'un brouillard pratiquement constant.
Durant la saison sèche , de novembre à fin mars , les herbes sont desséchées et le degré hygrométrique de l'air est très faible, les N. occidentalis  gagnent alors, à plusieurs centimètres au-dessous de la surface , des abris sous des pierres qui restent saturés d'humidité et y mènent une vie ralentie.

Échanges entre mère et fœtus:
La présence des oeufs fécondés dans les utérus marque, au mois d'octobre, le  début de la gestation qui se poursuivra jusqu'au mois de juin de l'année suivante. Les embryons présentent des caractères particuliers traduisant une adaptation à la vie intra-utérine : absence de siphon anal, de branchies externes ou internes, de spiraculum, de bec corné, de nageoire caudale et apparition très précoce de la bouche et des membres postérieurs.
Deux périodes principales peuvent être distinguées durant le développement fœtal.
La première, d'une durée de six mois, correspond au développement lent des embryons et à la vie souterraine de la femelle pendant la saison  sèche. Cette période est caractérisée par la formation du tube digestif et l'apparition des membres postérieurs .
La deuxième période, (3 mois), correspond à la croissance rapide des embryons et à leur métamorphose après la reprise d'activité de la femelle. Les membres postérieurs se différencient (stade lia) et s'allongent tandis que la queue atteint son développement maximal; les membres antérieurs sont libérés. La queue régresse et la métamorphose s'achève. L'embryon a alors l'aspect d'un petit Crapaud avec une taille de 7,5 mm. L'œuf étant pauvre en vitellus, le développement embryonnaire s'effectue essentiellement aux dépens d'apports nutritifs maternels. De fait, les échanges entre mère et fœtus sont importants.
Les embryons ne contractent jamais de rapport particulier avec l'utérus maternel et il n'y a pas de formation pouvant rappeler celle d'un placenta. La disposition des embryons dans l'utérus est quelconque ; ils baignent dans le liquide qui remplit les poches utérines dans lesquelles ils sont entassés, et absorbent par voie buccale ce "lait utérin" sécrété par la muqueuse utérine.

Parturition:
La parturition est assurée chez N. occidentalis par un mécanisme singulier:  l'intervention conjuguée de deux facteurs, l'un pulmonaire, l'autre myoabdominal. La femelle prête à accoucher prend une posture très particulière : les cuisses serrées contre le ventre, elle gonfle progressivement ses poumons. La pression pulmonaire comprime alors efficacement l'utérus gravide et le nouveau-né est expulsé par la seule voie d'échappement possible, celle du cloaque. Les jeunes sortent indifféremment par la tête ou les pattes postérieures. L'accouchement, qui s'effectue par poussées successives, dure de quelques heures à une ou deux journées suivant l'importance de la portée. Les naissances se produisent au mois de juin et  la croissance des jeunes se poursuit jusqu'en octobre ou novembre, tant que se prolonge la saison des pluies. Les jeunes sont donc déjà bien développés quand arrive la saison sèche; la moitié d'entre eux atteint même la maturité sexuelle et s'accouple avant de s'enfouir, trois mois après leur naissance. 
L'autre fraction de la cohorte n'atteindra la maturité sexuelle que l'année suivante, soit à l'âge de seize mois. La durée de vie est généralement de trois ans, rarement quatre ans, de sorte que les femelles peuvent être gravides jusqu'à trois et même quatre fois. En raison de sa viviparité, l'appareil génital femelle de N. occidentalis présente des particularités exceptionnelles pour un Amphibien Anoure, concernant non seulement la nature et le nombre d'œufs produits mais aussi la structure et la fonction même du tractus génital.

L' oviducte:
Il se présente chez la femelle vierge sous l'aspect de deux conduits à peu près rectilignes et nullement pelotonnés sur eux-mêmes à la manière des autres Amphibiens, Anoures notamment. Chaque conduit est formé de deux parties principales : la trompe qui s'ouvre dans la cavité générale par le pavillon, et l'utérus, portion élargie qui lui fait suite ; les deux poches utérines se réunissent dans leur partie distale pour former un tronc commun qui débouche dans le cloaque. La trompe, dont le rôle est de transporter les ovules pondus par l'ovaire vers l'utérus où ils se développent, n'est active qu'en période pré-ovulatoire. L'hypertrophie tubaire, observée dans les jours qui précèdent l'ovulation, est due à la mucification intense de sa muqueuse. Celle-ci est occupé par des cellules ciliées ; le battement des cils contribue à la progression des oeufs vers l'utérus. Les mucocytes, situées dans le creux des villosités, contiennent un abondant produit de sécrétion.
Les poches utérines, dont le rôle est d'accueillir l'œuf, de permettre son développement et de couvrir les besoins des embryons, subissent continuellement des remaniements; tour à tour vides et gestantes, elles passent par trois phases:
 - une phase de prolifération; c'est la prolifération de la muqueuse qui va alors s'organiser en villosités régulières. Dans le chorion, en plein développement, le réseau superficiel de capillaires sanguins commence à se former.. L'utérus apparaît alors fortement gonflé.
 - une phase de sécrétion et d'hyperémie, qui dure pendant toute la gestation. Après l'ovulation, les oeufs s'accumulent dans les utérus distendant leur paroi.
 - une phase de nécrose puis de régénération, qui s'étend sur les douze jours qui suivent la parturition. La mise bas provoque évidemment une réduction importante des poches utérines. Les capillaires sanguins dégénèrent sur place et les hématies sont phagocytées, en même temps que d'autres débris cellulaires, par des macrophages qui, de plus en plus nombreux, vont ainsi "nettoyer" complètement le chorion. Simultanément, l'épithélium utérin se détache progressivement du reste de la  muqueuse .
Au moment clé la gestation,. l'utérus et son contenu agissent l'un sur l'autre pour intervenir dans la durée de la grossesse et dans le développement des fœtus. La distension utérine constitue un stimulus de croissance. Ainsi, lorsque la gestation n'évolue que dans une seule corne utérine, l'autre corne vide reste toujours peu développée. Chez les femelles pseudo gestantes, l'utérus évolue peu et demeure semblable.

L'ovaire:
Contrairement à ce qui est observé généralement chez les Amphibiens, l'ovaire de N. occidentalis est de très petite taille et ne renferme qu'un nombre restreint d'ovocytes. Son cycle dure un an et comporte deux phases : une phase folliculaire et une phase lutéinique.
La phase folliculaire, qui correspond à la période inter gravidique de la femelle, est caractérisée par la croissance des ovocytes . Durant cette période,  les follicules sécrètent à la fois des oestrogènes  et de la progestérone. La phase folliculaire prend fin avec la rupture folliculaire aboutissant à l'expulsion de l'ovule. A celle-ci succède la phase lutéinique caractérisée par la présence de corps jaunes dans l'ovaire, la production exclusive de progestérone et l'arrêt de la croissance folliculaire. C'est pendant cette phase que se déroule la gestation. Les follicules avant contribué a la ponte ovulaire subissent des transformations et évoluent en véritables corps jaunes Les corps jaunes sont bien développés et actifs pendant toute la première partie de la gestation; puis, après l'émergence des femelles, ils régressent et dégénèrent. La quantité de progestérone formée varie avec l'évolution des corps jaunes : maximale au début de la gestation, elle demeure très importante pendant toute la période de vie enfouie des femelles, pour diminuer brutalement au moment de leur émergence

Mécanismes hormonaux de régulation de la fonction sexuelle:
La périodicité du cycle exigent des mécanismes de régulation complexes, aboutissant à la préparation de l'utérus et à son adaptation à l'évolution intra-utérine des embryons. La trompe et l'utérus accomplissent leurs fonctions grâce au jeu des hormones ovariennes qui agissent sur leur muqueuse, hormones elles-mêmes placées sous le joug hypophysaire. En définitive, hypophyse, ovaire et complexe utérus-embryons concourent à l'équilibre hormonal indispensable à la gravidité.

Régulation des fonctions ovariennes: L'hypophyse est responsable du fonctionnement de l'ovaire et des divers événements qui s'y produisent c'est-à-dire la croissance et la maturation des follicules, l'ovulation et le maintien des corps jaunes fonctionnels. Les cellules gonadotropes commandent la croissance ovocytaire et la vitellogenèse qui aboutissent à la formation de follicules mûrs.
Après l'ovulation, pendant toute la période de vie souterraine de la femelle, les corps jaunes persistent sous l'influence de la sécrétion des cellules  prolactines. La progestérone qu'ils élaborent contribue vraisemblablement à la mise au repos des cellules gonadotropes et ainsi à l'interruption de la croissance folliculaire. Après l'émergence des femelles gravides, les cellules prolactines  diminuent fortement en nombre tandis que les corps jaunes régressent et que les cellules gonadotropes reprennent leur activité. Cette reprise d'activité des cellules gonadotropes est liée à la présence des embryons dans les utérus.

Rôle des hormones ovariennes dans la préparation périodique des voies génitales:
Les modifications structurales du tractus génital, lors de la préparation périodique à la gravidité, permettent la migration de l'œuf, sa protection et sa nutrition au cours de son développement. Ces modifications sont l'œuvre des hormones sexuelles: oestrogènes et progestérone.
Au moment de l'ovulation, la progestérone, seule hormone ovarienne produite, favorise la ponte ovulaire et l'excrétion des mucus qui vont former les enveloppes de l'œuf  lors de son transit vers l'utérus. La quantité de progestérone formée par l'ovaire gestatif, et plus précisément par les corps jaunes, pendant la phase lutéinique, demeure très importante pendant les cinq premiers mois de la gestation pour diminuer brutalement à l'émergence des femelles. La présence de corps jaunes volumineux et actifs est ainsi liée à la période de vie enfouie de la femelle, caractérisée par la lenteur du développement embryonnaire ; en revanche, la croissance rapide des embryons, après l'émergence de la femelle, coïncide avec la régression des corps jaunes gestatifs et la reprise des facteurs nutritionnels favorables à la poursuite de la gestation.
Pendant la phase lutéinique, le rôle de la progestérone n'est donc pas de maintenir la gestation mais d'agir pendant une courte période sur l'oviducte et de permettre ainsi son adaptation au développement des embryons, en déclenchant notamment la sécrétion des mucines de l'épithélium utérin (substances compensant la réduction des réserves nutritives de l'œuf) et en favorisant la mise en place du réseau sanguin sous-épithélial.
Une autre action décisive de la progestérone sur l'évolution de la gestation est de freiner le développement embryonnaire pendant la période de jeûne saisonnier du batracien.

Images de Nimbaphrynoides occidentalis:

inaturalist Nimbaphrynoides-occidentalis

Nimbaphrynoides-occidentalis


Images de Nectophrynoides viviparus, photos Matthieu Berroneau avec mes remerciements.

Nectophrynoides Nectophrynoides Nectophrynoides.jpg
Nectophrynoides viviparus, Matthieu Berroneau

Nectophrynoides viviparus, Matthieu Berroneau

Nectophrynoides viviparus, Matthieu Berroneau


Je remercie Jean-Jacques Peres pour la réalisation de cet article!

Laissons Jean-Jacques parler de lui:
J'ai cinquante balais (je n'en reviens toujours pas!)
Je possède une licence de biochimie, une maîtrise de biologie animale (embryologie) et un DEA de biologie animale. Je suis membre de pas mal d'associations ( GEA, SHF, Société Entomologique de France, Société Française d'Arachnologie, Société Française de Terrariophilie, Herpetological American Society , associations espagnole, anglaise et sud africaine d'herpétologie, Société Française d'Embryologie, ligue de protection des oiseaux (LPO) et enfin , je suis président d'une association d'entomologistes et herpétologistes amateurs du sud est de la France (Entomos) ouf !!  Comme c'est pompeux et que cela ne veut rien dire, en gros j'aime les bestioles depuis toujours, j'en ai toujours eu des petites, des grandes, je suis né comme ça, on est plusieurs comme cela...
J'habite un petit paradis terrestre dans l'arrière pays niçois, sous les oliviers, entouré d'amis et d'animaux.


haut de page

précédentesuivante